La maison des morts, c’est le bagne de Sibérie où Dostoïevski a purgé comme condamné politique une peine de quatre années de travaux forcés et de six ans de «service militaire». Mais la maison
des morts, c’est aussi le Goulag. La Russie de Dostoïevski est déjà celle de Staline, de Beria, de Vychinski, des grands procès où les accusés rivalisent devant leurs procureurs de contrition
et d’aveux. Comme l’écrit Claude Roy, «la Russie d’hier et la Russie moderne sont exemplaires dans la science du “châtiment” sur deux points essentiels. Elles ont poussé plus avant peut-être
qu’aucun peuple l’art de donner aux tortionnaires cette paix de l’esprit que procure la bonne conscience. Elles ont su simultanément contraindre un nombre important de leurs victimes, non
seulement à subir sans révolte les épreuves infligées, mais à donner à leurs tourmenteurs un total acquiescement.»